Mise en œuvre du programme: trouver le juste équilibre

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Mise en œuvre du programme: trouver le juste équilibre

Bref rappel : le programme

Le programme ISN http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=57572 est présenté sous la forme d’une combinaison de quatre grands champs de connaissances et d’expertises (la représentation numérique de l’information, les algorithmes, les langages et la programmation, les architectures matérielles) et combine des aspects théoriques avec une grande diversité de domaines d’applica­tion. La mise en œuvre de ce programme, de par sa conception même, nécessite des choix et des arbitrages pour répondre aux attentes des élèves tout en leur apportant les contenus faisant partie de la formation.

Satisfaire tous les profils d’élèves

Prendre en compte la diversité des élèves

L’enseignement de spécialité ISN s’adresse à des publics variés dont les connaissances préalables et les motiva­tions peuvent être fort différentes, de sorte que les équipes pédagogiques ont intérêt à bien connaître le profil et les besoins des élèves qui constitueront les groupes de spécialité ISN.

Par exemple, certains élèves auront besoin d’un enseignement très progressif et encadré, alors que d’autres pré­féreront découvrir les choses nouvelles par eux-mêmes ; ces derniers pourraient s’ennuyer au cours de séances à la progression un peu lente. Pareillement, le recours à de nombreuses activités illustratives et contextualisées, qui est généralement considéré comme favorable à l’assimilation des concepts, peut lasser certains élèves rompus aux démarches de passage à l’abstraction.

De même, certains élèves arriveront avec déjà une expérience, éventuellement importante, de la programmation, alors que d’autres découvriront tout de ce domaine lors de leurs débuts en ISN.

Il n’est pas toujours facile de gérer ces différences, tout particulièrement lorsque le groupe a une taille impor­tante ; c’est surtout le cadre des projets qui fournit une réponse adéquate à ces inégalités.

De la différence de genre à la différence de centres d’intérêt

Pour des raisons bien plus sociales et culturelles que biologiques, les processus d’assimilation de connaissances et les centres d’intérêt diffèrent d’un élève à l’autre et notamment entre filles et garçons ; ce fait devrait entraîner, principalement dans les projets, une mise en œuvre variée des thèmes d’étude et des modes d’apprentissage.

La question de l’influence du genre sur les thématiques préférées a notamment été étudiée en Suisse lors d’une vaste enquête conduite en 2007 auprès de 769 élèves des classes 9 à 12 (équivalentes à nos classes de Troisième à Terminale) par la fondation Hasler «Le résultat de l’enquête (en allemand) est lisible ici :http://www.haslerstiftung.ch/files/webcontent/documents/Imagestudie%202008.pdf », dont nous avons extrait un graphique particulièrement frappant :


Légende :

De haut en bas, divers domaines et de gauche à droite leur appréciation (4, à gauche, la plus élevée, 1 à droite la plus faible). En orange pour les garçons, en jaune pour les filles.

Les filles marquent un grand intérêt pour ce qui a trait aux medias (images, films, musique).

Elles incluent dans leurs centres d’intérêts tout ce qui concerne le texte (traitement de texte, recherche sur le net, et même la dacty­lographie).

Elles rejettent fortement tout ce qui est en rapport avec la programmation et les techno­logies associées aux ordinateurs.

Les garçons, eux, sont plus neutres mais ap­précient la programmation en soi ainsi que certains aspects plus techniques comme les composants matériels des ordinateurs ou encore l’usage et la programmation des bases de données.

SondageParGenreISN.png

Prendre en compte les projets d’orientation des élèves

Les élèves qui choisissent l’enseignement de spécialité ISN peuvent avoir des motivations très diverses. Certains d’entre eux auront peut-être un désir de s’engager dans des études supérieures en informatique, mais on ne peut supposer cela de la part de l’ensemble du groupe-classe, bien au contraire ! Quelques élèves voudront sans doute poursuivre des études d’ingénieur (en CPGE notamment), d’autres préféreront passer par des voies plus techno­logiques comme les IUT ou les STS. Enfin, on rencontrera inévitablement des élèves ayant choisi ISN par curio­sité ou « parce que ça peut servir », sans pour autant faire un lien fort entre l’enseignement de spécialité et l’orientation vers le supérieur.

Il convient donc de « donner du sens » à l’enseignement ISN par rapport aux intentions des élèves (quelles qu’elles soient) sans privilégier une suite d’études particulière.

Identifier les éléments fondamentaux de la formation

Les logiciels et les technologies de l’information et de la communication sont en constante évolution, dont le suivi ne doit pas devenir la principale préoccupation des enseignants. Les professeurs ne doivent pas perdre de vue les compétences et notions fondamentales qui ont le plus de chances de rester pertinentes six à huit ans plus tard, alors que les choix techniques auront largement évolué. Il est donc préférable d’articuler les séquences pé­dagogiques autour de contenus et de méthodes pérennes.

À titre d’exemple, l’étude du stockage d’informations sur les supports magnétiques pouvait avoir une certaine importance dans les années 80-90 alors que les disquettes et les disques durs étaient largement répandus. L’évo­lution vers un stockage sans pièces mécaniques «Disques SSD» et les données réparties (dites « en nuage ») rend cette étude beaucoup moins pertinente. Il en est de même de la compression d’images par plages (qui fut largement utilisée dans le fax) et des images en couleurs indexées, etc. La même interrogation va bientôt concerner l’adressage par adresses IP sur 4 octets, en raison du passage inéluctable au protocole IPv6.

On peut donc se poser quelques questions essentielles lors de la construction d’une séquence d’enseignement :

  • Dans ce que je propose, y a-t-il des exemples concrets pouvant être rencontrés dans la vie courante par un jeune de 17 à 19 ans ?
  • Que devra apprendre et retenir l’élève ? Quelle démarche de pensée lui restera-t-il quand il aura oublié les détails ?
  • Pour quelles raisons l’élève va-t-il se mobiliser pour apprendre ce que je vais lui proposer ? (ces raisons peuvent être fort diverses, allant de l’utilité pratique au plaisir de la découverte en passant par l’esprit lu­dique).

La progression pédagogique gagnera en efficience si elle est conçue et organisée en fonction des réponses à ces questions.

Assumer la dimension sociétale de l’enseignement

Il convient de prendre en compte la dimension sociétale et juridique de la thématique étudiée, en développant les attitudes des jeunes face à des problématiques liées à la société numérique. Voici, par exemple, quelques pistes de travail, qu’il ne faut en aucun cas considérer comme exhaustives :

  • La propriété intellectuelle et/ou industrielle mérite un traitement spécifique pouvant justifier une inter­vention avec d’un professeur de Philosophie ou d’un professeur intervenant en ECJS ; à partir d’extraits de textes de lois, on peut faire réfléchir les élèves sur les usages des œuvres que le numérique rend pos­sibles et même faciles via le Web : accès immédiat à toutes sortes d’œuvres, brouillage de la notion d’au­teur, facilité de publication (et donc de devenir auteur), etc. Un dossier voisin et tout aussi important est celui des licences logicielles, qu’il convient d’étudier en toute objectivité.
  • Les aspects juridiques peuvent paraître ardus voire très ardus ; il revient cependant au professeur d’aider les élèves à comprendre que le développement de la législation sur les usages du numérique est quasi-inéluctable. Les enseignants chargés des cours d’économie-gestion et de l’enseignement de spécialité DGEMC peuvent apporter un éclairage juridique et pédagogique sur la présentation d’éléments de droit.
  • Le droit à l’oubli est une notion plus récente que le droit d’auteur, pour laquelle l’entrée juridique n’est pas la plus appropriée. En co-intervention avec un professeur de Philosophie, il est possible d’amener les élèves à réfléchir sur les conditions et les limites philosophiques liées à la mémorisation de données issues d’échanges numériques. Cette mémorisation «La mémorisation durable est également nommée « persistance de l’information numérique ».» peut être due au besoin de préserver l’information mais aussi à l’archivage de messages ou au stockage technique d’informations ciblant les interlocuteurs, à des fins de réutilisation future (marketing, propagande, etc.) ; la prise en compte de la tension entre mémoire et oubli est dès lors essentielle et peut déboucher sur un intéressant débat.
  • La notion « d’espace public » pourra aussi, par exemple, être abordée en travaillant en collaboration avec un professeur de Philosophie, par l’étude de la problématique liée aux échanges d’informations per­sonnelles sur les réseaux sociaux. L’élève peut ainsi prendre conscience du fait que les informations qu’il transmet et reçoit transcendent la sphère naturelle des échanges privés et lui échappent en partie. En lien avec l’étude des réseaux «Il s’agit ici surtout des réseaux sociaux, mais il convient de rappeler qu’il n’y aurait pas de réseaux sociaux sans réseaux tout court.», on peut faire apparaître d’une part que la réciprocité des échanges est conditionnée par un facteur technique dont l’usager ne perçoit pas totalement le mécanisme, et d’autre part que d’autres usagers peuvent éventuellement prendre connaissance de ce qu’on croit transmettre à un nombre de personnes limité.

On pourra aussi demander à des élèves de préparer un court débat de classe autour d’une situation réelle d’usage des outils numériques, en rédigeant des argumentaires, et en rassemblant des références précises. Les élèves ac­cédant à la classe Terminale en possédant déjà un certain bagage de programmation pourraient être spécialement sollicités à cet effet.

Au-delà de ces questions, on ne peut éluder l’impact socio-économique du développement des systèmes numé­riques qui modifie les enjeux et les défis, transforme les métiers, altère les taux de rentabilité, remet en cause les processus de production, crée de nouveaux métiers ...

Auteurs

  • Robert Cabane, IGEN
  • Eric Garnier, Loïc Le Gouzouguec, Gilles Ollivier, IA-IPR